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"Ce n’est pas la peine d'appauvrir les matières premières" Sophie Courtois, Directrice de la ressourcerie Resistes

Rédigé le 15/03/2022 par Youen Chéné, Eva Giffard

INTERVIEW

Pourquoi cette interview

Ce Samedi 19 mars a lieu le Cyber World Clean Up Day. C’est une journée de sensibilisation sur les impacts du numérique. Il y a des actions coté nettoyage des données et coté recyclage de terminaux informatiques.

Pour ce type de journée, mon esprit d’ingénieur me dit toujours : "oui c’est bien l’effet de communication en maximisant les actions sur une journée mais quid des 364 autres jours de l’année". Mes recherches m’ont fait aboutir sur l’existence des ressourceries (merci à Caroline Degrave des copeaux numérique).

Une carte des ressourceries est disponible : Carte des ressourceries. Vous pourrez maintenant maximiser le réemploi de vos appareils électroniques et informatiques toute l’année !

Figurez-vous qu’il existe une ressourcerie à quelques kilomètres de chez moi : Resistes à Darnetal. Quoi de mieux qu’une interview pour découvrir ce qu’est une ressourcerie.

Interview

Sophie Courtois avec un micro dans la ressourcerie
Figure 1. Sophie Courtois, Directrice de la ressourcerie Resistes
Bonjour Sophie, je ne savais pas ce que c’était une ressourcerie avant. Peux-tu expliquer, pour le grand public, ce que c’est une ressourcerie ?

Une ressourcerie, c’est un réseau national de ressourceries qui existe depuis 2000. A l’heure actuelle, on est 167 ressourceries sur le territoire national. Les déchets sont des ressources. A partir du moment où il y a un potentiel réemploi de réutilisation, réparation, valorisation, on peut apporter dans les ressourceries.

La dimension environnementale : c’est tout ce qui peut être vendu en l’état, tout ce qui peut être réparé ou valorisé ou détourné. Acheter du réemploi plutôt que du neuf, ce n’est pas la peine d’appauvrir les matières premières vu qu’il y a un énorme potentiel sur tous les territoires avec des milliers de tonnes qui peuvent être réutilisées,

La dimension sociale: les ressourceries sont des structures d’insertion par l’activité économique. Les ventes financent les charges de fonctionnement et les salaires des permanents comme des salariés apprenants.

La dimension solidaire: puisque l’on fait des tout petits prix, pour que ce soit pour toutes les bourses, même si des fois on a des objets de grandes valeurs et là on les vend au prix juste puisque ça fait aussi partie du business plan.

C’est aussi des lieux de vie, des lieux de rencontres, des lieux de partage. Chaque ressourcerie et chaque territoire à son identité propre.

Pour la ressourcerie Resistes ici à Darnétal, c’est quoi les grands chiffres ?

Resistes a été créé le 18 juin 2014 et ouvert en octobre 2015 à trois copains et maintenant c’est une entreprise avec 8 permanents et 25 salariés.

Depuis notre ouverture, on est à 1200 tonnes collectées avec 82% de valorisation. La valorisation, cela comprend tout ce qui est réemploi et filière de recyclage. Le reste repart en déchets ultimes. Il va y avoir de moins en moins de déchets ultimes puisqu’il va y avoir des filières de recyclage pour les jouets en plastique, pour les articles de sport et sur la puériculture.

C’est un chiffre d’affaires annuel de 300.000 € en vente boutique, sensibilisation, prestation de collègues, prestation débarras, animation.

On fait de l'économie d’usage et de fonctionnalité.

Tu veux dire quoi par économie d’usage et de fonctionnalité ?

L’économie d’usage c’est, par exemple, tu organises une grande fête de 200 personnes. Tu peux venir demander à Résistes de venir te préparer une mise à disposition de vaisselle. On va te préparer les 200 assiettes, les 200 verres, les couverts, les saladiers, les pichettes même te faire un petit décor si besoin. Cela permet d’éviter d’acheter du jetable. Tu ne vas pas acheter 200 assiettes que tu ne vas utiliser qu’une fois dans ta vie ou deux fois dans ta vie.

Autre exemple avec Neoma Business School, pour des étudiants qui sont là pour 6 mois, On met à disposition un lit, un bureau et une chaise moyennant un prix mensuel très bas. C’est toujours dans l’idée que, l’usage on peut le mutualiser pour éviter de nouveau d’acheter et d’utiliser des matières premières.

C’est vraiment ça l’économie d’usage et de fonctionnalité. C’est de coopérer les uns avec les autres pour partager peut-être un salarié, des compétences, un camion.

Et quelle est la différence avec le réseau EMMAÜS ?

Nous sommes des structures d’insertion par l’activité économique avec des contrats de travail.

EMMAÜS sont des compagnons qui n’ont pas du tout de contrat de travail. Ils ne cotisent pas pour la retraite, ils sont payés 50 euros par semaine, ils sont danvantage accompagnés sur le volet social pour reprendre pied.

Les EMMAÜS sont dans un but humanitaire, les ressourceries c’est de l’insertion par l’activité économique.

L’autre différence, c’est que l’on fait de la traçabilité. Tout ce qui entre en tonnage à la ressourcerie et pesé. Tout ce qui sort en boutique est ventilé. Dans nos rapports d’activité, tu peux voir les tonnes pesées, les meubles, les jouets, la vaisselle, la déco, combien on a vendu, combien est notre panier moyen, combien de clients.

Les rapports d’activité de Resistes : https://www.resistes.org/la-ressourcerie-resistes

Si je suis particulier, j’ai des choses à donner ou je veux aller chercher des choses, comment cela se passe ?

Pour les particuliers, il faut toujours se dire "ce que je vais donner, est-ce que ça peut resservir à d’autres”. Nous ne sommes pas une déchèterie, nous sommes une ressourcerie. Il faut qu’il y ait un potentiel de réemploi.

Tu peux venir en apport volontaire, tu remplis ta voiture, tu tries les jouets, la vaisselle, les outils, la décoration, tu viens apporter. Il y a des horaires de collectes à consulter pour chaque ressourcerie.

Puis il y a la collecte à domicile, pour cela il y a notre numéro de téléphone ligne fixe ou notre site internet où dedans il y a une page "Comment donner".

On a aussi un marché réservé avec la métropole pour aller chez des personnes à mobilité réduite et collecter des encombrants réemployables à domicile. C’est-à-dire qu’il y a une personne de la métropole qui nous appelle et qui nous dit "j’ai un canapé et un buffet à donner mais moi je ne peux absolument pas les amener à la ressourcerie”. Dans ce cas la prestation sera gratuite puisque dans le cadre de notre marché de collecte d’encombrants avec la métropole.

Selon les demandes, on dit aux personnes "il y a une participation financière” et on soustrait toujours le potentiel de réemploi. C’est-à-dire que, s’il y a une prestation où il y a plusieurs heures de travail, mais que la personne nous donne pour 500/600 euros de potentiel économique pour la boutique, c’est déduit du devis.

Tu m’avais aussi parlé d’ateliers ?

Oui, dans le cadre de la sensibilisation. On propose plein d’animations, aussi bien dans nos murs qu’à l’extérieur de nos murs. On fait des ateliers récup arts sur toutes thématiques avec des écoles, des ateliers avec la petite enfance, des ateliers pour aménager un local pour des ados, des ateliers dans le cadre de la réhabilitation logement pour accompagner les gens à remettre un petit coup de lift dans leur logement sur leur meubles. C’est à la carte, il ne faut pas hésiter à nous solliciter, après on étudie le projet avec des créatrices, des valoristes.

On fait des anniversaires à partir de 4 ans pour les enfants, maximum 8 enfants, c’est gratuit pour l’enfant qui fête son anniversaire. On choisit le thème avec l’enfant, s’il veut faire le thème du cirque, etc. Après on fabrique plein de choses avec les enfants. On fait un petit cadeau, des gâteaux. Les enfants, à la fin de leur après-midi festif, vont peser tout ce qu’ils ont fabriqué et on leur dit "vous voyez, vous avez créé des choses avec des choses qui, au départ, étaient des déchets" et "vous avez ⅘ kilos qui auraient dû partir à la poubelle et qui maintenant sont des oeuvres d’art".

On est sollicité, vraiment dans le champ du développement durable, de la consommation responsable. On peut intervenir sur énormément de domaines : réparation des vélos, rénovation d’un meuble. On a un bénévole qui est pâtissier, qui refait des chaises. On a des salariés qui sont bons pour remettre en état un meuble. Après dans notre projet de changement d’échelle, on va vraiment développer encore plus ce type d’atelier autour de la réparation et valorisation des meubles et autour de la réparation et de la valorisation des déchets électriques et électroniques.

Dernière question, pour les entreprises, quels services offrez vous ?

Pour les entreprises, on développe de plus en plus la collecte de mobilier professionnel. On vient de faire une grande opération avec Habitat 76 : 30 tonnes de mobilier professionnel avec toutes les ressourceries de Normandie. Ensuite, nous permettons aux entreprises d’acheter du mobilier d’occasion, puisqu’elles ont obligation maintenant dans le cadre de la loi sur l’économie circulaire, d’acheter du réemploi plutôt que du neuf.

Depuis quand les entreprises ont-elles ces obligations ?

C’est depuis janvier 2021. Depuis janvier 2022, encore plus le cas sur tout ce qui est recyclage. C’est la loi sur l’économie circulaire. Les entreprises nous appellent et on s’occupe de tout puis les entreprises qui ont du mobilier professionnel hors d’usage peuvent aller sur le site de Valdelia et faire une demande pour "j’ai 20 bureaux mais hors d’usage” et vont être pris en charge par le point d’apport volontaire le plus proche. La ressourcerie va être rémunérée à la tonne dans la benne et éviter que ça parte en incinération. On a collecté récemment 92 chaises dans un ehpad. On les a vendus à 2 euros la chaise. On les a toutes vendues.

Note
La loi concerne pour le moment les achats via la commande publique : source.

Les liens

Trouver une ressourcerie proche de chez soi : https://ressourceries.info/

La ressourcerie Résistes :